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Moscou - Pékin - Istanbul : 8 pays, 25.000 km à travers l'Asie
29 juillet 2016

Sur les chemins de Mongolie - Partie 5 : Une petite randonnette (dans la région des huit lacs)

Plus de routes en tous genres désormais. Nous délaissons la voiture pour arpenter sans moteur quelques chemins de Mongolie.

Mardi 05/07/16 - Jour 9 : Pointe sud-est des Khangayn Nuruu - Parc national de Naiman Nuur (Lac 1)

Réveillés à l'aube par les yacks qui meuglaient autour de la yourte. Nous ne partirons pourtant que vers une heure de l'après midi, le temps que tout (mais quoi ?) se mette en place. On en profite pour faire de longs adieux aux américains qui vont entreprendre un autre itinéraire à partir d'une vallée voisine. En attendant, dernière séance de frisbee avec les gamins presque apeurés et pas très adroits au début, et puis bien attristés finalement de voir partir la soucoupe volante qui rend fou avec le vent.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 1_Le frisbee, le bon geste

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 2_Le frisbee, un art difficile 0

En ce neuvième jour, nous partons pour quatre jours de randonnée. Deux de vraie randonnée, à pied, et deux à cheval, ce qui, excusez-moi, n'est en rien de la randonnée, deux jours qui me hantent et m'angoissent d'avance. Nous allons donc nous enfoncer plus encore dans cette vallée que nous avions commencer à remonter la veille pour nos derniers longs kilomètres de camion. Désormais, nous suivrons les chemins.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 3_Sur les chemins de Mongolie

Nous sommes accompagnés d'un chien de la famille, certainement plus heureux avec nous. Lorsque nous passons à proximité d'autres yourtes, alors qu'il s'aventure en leur direction, ce sont des pierres qui lui sont jetées dessus par des habitants hostiles. Dans ces cas-là, pas si con, il n'insiste pas et se contente de continuer sa route avec nous, qui ne lui voulons que du bien.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 4_Le premier kilomètre

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 5_Ohhh le petit cheval

Comme il fallait pimenter un peu cette petite randonnette, nous invitons l'orage à nous suivre également. Grêle, pluie chassée horizontalement par un vent froid, tout y passe, même le soleil cinq minutes, avant que tout ne recommence. Côté paysage, c'est les Pyrénées de basse et moyenne altitude, sans les pics et les sommets que l'on devrait voir au dessus et là-bas dans le fond. C'est les Vosges rasées. Un massif central, comme chez nous. Heureusement qu'une yourte ou deux sont parfois plantées pour nous rappeler à notre bon souvenir la Mongolie, et ne pas nous faire regretter de se taper autant de kilomètres pour voir ce que l'on a chez nous, en suivant une guide qu'on n'aurait pas pris chez nous.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 6_Après la pluie

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 7_Après la pluie 2

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 8_Pyrénéennes ou vosgiennes ou centrales

Nous arrivons enfin au bout du lac, le plus grand lac parmi les huit que doit compter la région des huit lacs. Nous devons y dresser camp, mais les chevaux qui devaient nous ramener un peu de logistique, y compris les tentes, ne sont point là. Nous allumons un feu rapidement, puis attendons qu'ils arrivent, comme des cons sous la pluie, à la regarder faire des ronds sur le lac.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 9_Le grand lac

La fin de soirée fut principalement occupée par le feu. Déjà pour que celui-ci s'entretiennent, ce qui avec le vent, la pluie et le bois mouillé demande une grande attention, mais aussi parce que c'est fou comme l'on peut rester scotchés à un feu, captivés par ses mouvements et ses sons, sans doute aussi ahuris que les premiers hommes l'ayant découvert. Regarder un feu de bois vous vide la tête et vous apaise. Nous en avions besoin ce soir, car une randonnée sans difficulté sous l'orage, n'a aucun intérêt, et peut même agacer.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 10_Bois moullié

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 11_Le camp

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 22_Entre deux averses, l'éclate

Mercredi 06/07/16 - Jour 10 : Parc national de Naiman Nuur (Lac 1)  - Parc national de Naiman Nuur (Lac 2)

J'ai l'impression que pour chaque jour nouveau ou presque, je suis obligé de parler du réveil. Tout du moins j'y viens naturellement. Je vais même cette fois-ci vous en donner un peu plus : le réveil est lié à la nuit. On a dû dormir à trois dans cette tente de deux la faute à une organisation hasardeuse pour rester correct, de cette randonnette. Les deux conducteurs de chevaux de bât n'ayant pas prévu d'abri, sans doute pas de leur fait, et encore moins du notre, mais très certainement de cette organisation légère, une réorganisation des tentes a dû avoir lieu car on ne peut quand même pas laisser deux personnes, si aguerries à la nature soit-elles, dehors pour une nuit de pluie et de froid. Toujours est-il qu'une fois notre bois du soir consommé, s'endormir fut compliqué, dormir encore plus, et s'extirper à l'aube malgré la pluie, une nécessité pour moi coincé au milieu, le premier défi du jour. Avec ma souplesse maintes fois remarquée, ma délicatesse appréciée, c'est dans un bruit de zip et de cassage de gueule sur toile que j'accédai à la délivrance. Heureusement sans réveiller personne.

Au bord du lac, à la clarté des premières lueurs, les chevaux broutent mécaniquement. Le chien est toujours là, le poil détrempé, dormant à côté du foyer éteint. Il est six heures trente. J'ai dû dormir trois heures à tout casser en plusieurs petits morceaux. Sans pouvoir bouger, à moitié en pente entre Juliette et Tobi, notre mangeur de patates allemand. Il reste encore un peu de braises sous les cendres grises, protégées par une buche qui a finalement dit non à sa propre combustion pendant la nuit. De quoi s'occuper. Une fois le feu repris grâce à un bois humide et quelques pages de mon carnet, j'ai vu le chien se réveiller, se retourner vers moi avec son regard triste et fatigué, et après quelques secondes se retourner et se rendormir. Même le chien ne voulait pas voir ce jour sans avenir se lever. Je n'avais donc même pas la compagnie d'un pauvre chien rejeté et malmené. J'ai mis mon poncho, ma petite tente à moi tout seul, et j'ai attendu sous la pluie sans même pouvoir lire une ligne ou écrire, mais à bien y réfléchir le feu demandait trop de travail vu les conditions météorologiques, pour s'adonner à quelques fantaisies littéraires.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 12_Ils attendent eux aussi

Au bout d'un moment, comme je commençais vraiment à trouver le temps long, j'ai failli aller secouer les tentes pour que ça commencer à bouger. Finalement, au moment où j'allais passer à l'acte, une première tête émergea comme pour dire non à la pluie et au sale coup que je fomentais. C'était pas beau à voir non plus cette pitié sur un visage qui n'avait pas mieux dormi que moi. Pas plus beau, le petit déjeuner de gâteaux secs et de pain restés trois jours à l'air humide et peut être même sous la pluie, file tout droit au chien qui ne demandait que ça.

Le plus long pour repartir ça n'a pas été finalement de replier les tentes, puisque maintenant on remet tout trempé en boule dans la housse, qui trop grande le permet. Non, ça a été d'harnacher les chevaux qui sont petits mais butés, ce qui a permis à Jara de ne pas être celle qu'on attendait. Le chien fut attaché à un arbre par les deux mongols de la logistique, avec une tige de fil de fer courte. Rayon d'action 80 centimètres. Il ne pouvait plus nous suivre jusqu'à notre prochaine étape. Cela serait nous dit-on trop dangereux pour lui. Cela lui est insupportable. La panique qui le saisit le fait provoquer des sons de petite chatte écrasée. Le voir ainsi fait froid dans le dos. Oui, de loin, je ne sais pas si je n'ai pas vu de larmes dans ses yeux, mais assurément une détresse et une terreur qui doivent être celles de juste avant la mort. Que pouvait-il comprendre si ce n'est que nous l'abandonnions à jamais ? Lui qui semblait si heureux avec nous et nos petits-déjeuners. Nous devrons faire les premières centaines de mètres de la journée sans nous retourner et en essayant de ne pas entendre ces hurlements d'abattoir médiéval résonner sur le massif, qui avait lui aussi peut-être son cœur de pierre fendu.

Le parcours du jour fut plat et court. Heureusement. Sous la pluie incessante, les prairies fleuries étaient transformées en marécages où étaient cachées les merdes de tous les animaux paisibles et inimaginables, mais essentiellement chevaux, yacks et chèvres. Peut-on pourtant leur en vouloir quand nous aussi, paisibles hommes, ajoutons en chemin notre pierre à l'édifice, préférant les prairies aux aménagements nomades ? Nos chaussures s'enfonçaient donc dans ce qui peut par moment s'appeler tourbe, par moment bouse, rendant nos appuis difficiles et parfois malchanceux.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 13_Les prairies tourbées

La balade d'aujourd'hui fut donc pour le coup, si ce n'est le tracas des appuis, une véritable randonnette. Deux heures trente expédiées à toute vitesse, tout droit en longeant les lacs, à courber les épaules sous la pluie, et à chasser sans répit les moustiques qui infestent ces régions. Ma tronche ne ressemblait déjà plus à rien avant de partir mais voilà qu'en plein jour, les moustiques en rajoutent une bonne couche, comme une mandale de trop dans une bagarre déjà perdue. Même si personne ne le disait, tout le monde voulait arriver au plus vite. Poser ses affaires, se mettre au sec et au chaud, faire tout sécher pour le lendemain. Dire que l'on était parti pour une journée plus longue que la veille qui avait été courte. Notre Jara n'a vraiment aucune notion des heures et des kilomètres, à moins que pour ne pas jeter le mauvais sort, elle se devait de nous répondre n'importe quoi. Malheureusement, commençant à bien la connaître au bout de ces dix jours, se convaincre du respect d'une pratique locale pour l'excuser est se mettre le doigt dans l'œil, et bien profond.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 14_Les prairies tourbées 2

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 15_Depuis le camp

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 23_Ouais, là faut qu'on se pose

Une fois arrivés à notre nouveau camp, quelques yourtes en surplomb d'un nouveau lac, nous sommes conviés à prendre le traditionnel thé au lait dont je fais systématiquement mention puisqu'on nous en tend un bol systématiquement. Il faut dire que l'on commence à s'habituer, et que lorsqu'un camarade n'y arrive plus, on arrive même à l'aider en lui finissant ni vu ni vu le sien. Mais autre région, autre lait : celui du yack donne une petite pointe de sel qui surprend, tandis que lorsqu'on ajoute de la crème de yack, la graisse remonte pour former une couche huileuse et d'écume au dessus du bol, un peu comme ce que l'on voit dans ces grands bassins des stations d'épuration.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 16_Le lait qui ne descend plus

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 17_Dans la yourte ça zappe aussi

L'après midi fut passée entièrement dans la yourte, à essayer de sécher, en regardant par la porte restée ouverte les chèvres qui passaient, s'arrêtaient, tournaient la tête, et nous fixaient quelques secondes, avant de repartir. La pluie ne cessa que vers cinq heures et le pré n'avait pas réussi à tout boire. Le soir venu, désireux de faire sécher nos chaussures et nos chaussettes autour du poêle, nous marchons en tongs dans un jardin de merdes que la pluie empêche de sécher, patinage rendu possible par la volonté séculaire des mongols de vivre au beau milieu de leur bêtes. Et puis, quand il s'agit d'aller pisser un dernier coup avant d'aller dormir et qu'en ouvrant la porte de la yourte on se retrouve nez à nez avec un yack noir dans la nuit, ça fait toujours bizarre. Puis, passée cette bizarrerie, aussi paisibles soient les yacks, se retrouver en train de pisser au milieu de 50 de ces grosses bêtes poilues qui broutent en se débouchant les naseaux compulsivement, ça fait quand même pisser plus vite. Et oui, dans un blog de voyage, on en arrive toujours à parler de pipi et de caca, à un moment donné. Et on espère que ce sera la dernière fois.

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 18_Depuis la yourte

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 19_Depuis la yourte 2

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 20_Le yack blanc du camp

MPI_Article Tour Gobi Part 5_Image 21_Avant que tout ça devienne noir

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