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Moscou - Pékin - Istanbul : 8 pays, 25.000 km à travers l'Asie
18 septembre 2016

Sur les routes du sud Gansu #1

Après Xi'An il y eut encore du train, et encore du hard seat. Mais comme nous vous l'annoncions déjà assez fiers, cette fois-ci, ça a presque été un jeu d'enfant. Primo : mobilité assurée dans l'allée où seuls quelques pékins étaient étalés. Secundo : beaucoup de bruit en moins donc. Tertio : temps de parcours court, neuf heures, à peine le temps de fermer les yeux. Quarto : bien équipés avec nos graines de tournesol et nos nouilles, on se rapproche d'une soirée parfaite. Oui, le trajet va se passer comme une lettre à la poste si on met de côté ces deux trois mecs qui sont venus nous scotcher en essayant de baragouiner quelques mots d'anglais pendant un peu trop longtemps. Qu'on soit bien clairs, on aime bien échanger avec les gens, et si quelqu'un veut nous parler, il est bien libre de le faire. Mais quand ils viennent juste pour mater de la blonde, d'un air ahuri qui plus est, et qu'ils restent une heure pour enfin comprendre qu'on ne peut vraiment plus rien se dire, c'est juste un peu long et gênant. Même si c'est jamais méchant.

Nous sommes débarqués à Lanzhou, capitale du Gansu, 2,5 millions d'habitants, à cinq heures du matin. Lanzhou n'a pas la réputation d'une ville où il y a beaucoup à voir et à faire, mais nous en reparlerons bientôt. Nous allons prendre directement la direction d'une gare routière perdue au sud de la ville et y prendre un bus pour un petit village situé à la frontière du Gansu et du Sichuan : Langmusi (郎木寺 ; prononcez Lang-mou-seu). Langmusi sera la première étape d'une « boucle » d'une semaine dans le sud de la province du Gansu, qui nous emmènera également à Xiahé (夏河 - Sia-rhé) et Bingling Si (炳靈寺 - Bing-ling-seu). Nous ne pouvons pas nous contenter de prendre le train et d'avancer si nous voulons découvrir la campagne chinoise, ce qui nous oblige à faire un petit crochet hors de notre route directe. Mais après Oulan-Bator, Pékin et Xi'An, nous avons besoin d'un bon bol d'air.

MPI_Article Sud Gansu_Image 1_La carte

Dans le bus, dès les premières minutes, nous avons fait connaissance avec un jeune couple de hongkongais, d'une vingtaine d'années à peine, qui passe environ deux à trois mois de l'année à parcourir la Chine. Ils en semblent absolument amoureux. Les yeux rivés sur leur smartphones à regarder des courbes, ils traversent leur pays en boursicotant, avec les profits de leurs opérations qu'ils ne peuvent abandonner, pas même pendant leurs expéditions en pleine campagne. Entre deux ordres d'achat ou de vente, ils nous font défiler pendant de longues minutes leurs meilleurs clichés de leur pays, et ceux de leurs plus beaux sourires devant les plus beaux paysages. Leur raffinement fait qu'il y a quand même très peu de selfies inutiles dans leur sélection.  Ils nous donnent envie d'aller partout, du nord au sud, de l'est à l'ouest, au Tibet surtout, « la plus belle région de Chine » de leurs propres mots. Vous y verrez peut-être une déclaration politique, sachant que ce sont les plus chinois des hongkongais que je n'ai jamais vu. Nous leur expliquons que malheureusement nous n'avons qu'un mois, que nous avons une route à faire, et nous avons l'impression de ne faire qu'un tiers du quart du dixième de ce que si grand pays réserve à voir. Ils en sont déçus pour nous. Lors des arrêts, leur raffinement fait qu'en bons hôtes, ils nous offrent des parts de melon avec les fruits de leurs plus-values.

MPI_Article Sud Gansu_Image 2_A linxia 1

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Le trajet durera huit heures. Nous y dormirons une bonne partie puisque la nuit dans le train ce n'était pas la panacée, pour recouvrir notre fatigue latente chinoise causée par la chaleur, nos marches et nos repas. Pourtant les paysages sont très différents de ce que nous avions pu voir jusqu'à présent. Cultures en terrasse (sans aucune comparaison avec la magie des rizières de Ping'An ou du Yuányáng, mais des terrasses creusées dans la montagne quand même), reliefs rouges et ocres, petits villages aux mosquées tape-à-l'œil. Nous essayons d'en profiter, mais souvent nos yeux sont plus forts que nous et se ferment pour quelques minutes. Et à chaque fois, en les rouvrant, une mosquée qui brille.

MPI_Article Sud Gansu_Image 4_Sur la route 1

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MPI_Article Sud Gansu_Image 10_Sur la route 7

Le Sud du Gansu est en effet majoritairement musulman. Néanmoins, Langmusi est un centre important du bouddhisme. Deux monastères d'importance se font face : l'un côté Gansu, l'autre côté Sichuan. Le village est précisément installé sur cette frontière marquée par la rivière du Dragon blanc. Langmusi appartient à la préfecture autonome tibétaine de Gannan. Ici, au milieu de moyennes montagnes et de longues prairies, les Hommes de trois cultures vivent apparemment en harmonie : les tibétains, les musulmans Hui (prononcez Rhui) et les chinois Han (prononcez Rhan, ethnie chinoise majoritaire) qui se sont installés ici pour le business il y a moins longtemps. La mosquée fait face au temple où on repeint les chèvres en rouge, le temple fait face à la montagne, la montagne fait face à l'Agricultural Bank of China.

MPI_Article Sud Gansu_Image 11_Langmusi Temple 1

MPI_Article Sud Gansu_Image 12_Langmusi Temple 2

MPI_Article Sud Gansu_Image 13_Langmusi Temple 3

MPI_Article Sud Gansu_Image 14_Langmusi Temple 4

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MPI_Article Sud Gansu_Image 17_Langmusi Temple 7

Langmusi, on y vient donc aussi pour aller au vert. Se perdre dans les étroites vallées, grimper leurs versants pentus, prendre de la vue tout en haut, loin du bruit, au niveau de drapeaux de prières. Dans les hauteurs, on peut y rencontrer de petites familles de tibétains, les vieillards avec en poche leur pipe et des biscuits, prêts à tout vous donner comme s'il fallait vous ranimer, prêts à vous parler des heures pour essayer de voir si tout va bien, et là, encore une fois, très rapidement, pas même la possibilité d'échanger plus que des sourires d'incompris. Cela peut être frustrant dans ces destinations : ces langues que l'on croise et que l'on ne maîtrise pas, et qui ne permettent pas d'échanger selon le mode de communication le plus facile. On peut également croiser des moines qui sont venus sur un promontoire pour y manger des Pringle's face au soleil, leur temple tout petit au loin, leur 4x4 Nissan plus blanc que blanc au plus proche, garé entre deux buissons.

MPI_Article Sud Gansu_Image 18_Langmusi Prairie 1

MPI_Article Sud Gansu_Image 19_Langmusi Prairie 2

MPI_Article Sud Gansu_Image 20_Langmusi Prairie 3

MPI_Article Sud Gansu_Image 21_Langmusi City 1

En bas, le centre du village devient de plus en plus commerçant et les constructions poussent aux quatre coins. Oui, il est évident que le tourisme se fera plus important encore dans les années à venir. Et on ne comprend pas bien comment, ni pourquoi. Les randonnées intéressantes ne sont pas balisées, ce qui ne rassure pas le chinois qui a l'habitude des files avec des barrières et des visites guidées. Ces randonnées peuvent être épuisantes, surtout avec la chaleur, et sans devoir l'expliquer, on ne voit tout simplement pas le touriste chinois se lancer là-dedans. Il doit bien y'en avoir me direz-vous. Oui, les exceptions sont systématiques dans toute population d'une étude statistique, vous répondrais-je. Et puis si on le dit, c'est parce qu'on le ressent depuis qu'on est en Chine, et j'ai toujours en mémoire mon ascension de Emei Shan il y a six ans. Reste donc le tourisme des temples avec guide qui parle dans une oreillette (pas encore arrivé ici), des restaurants et des boutiques de souvenirs, de quoi passer une bonne journée tranquille. Les hôtels se multiplient et sans doute même trop vite et trop grands. Attention à ce que Langmusi n'implose pas.  

MPI_Article Sud Gansu_Image 22_Langmusi City 2

MPI_Article Sud Gansu_Image 23_Langmusi City 3

MPI_Article Sud Gansu_Image 24_Langmusi City 4

Nous avons rencontré un peu par hasard une jeune française qui est presque un peu chinoise et qui aidait un jeune couple de Chongqing dans sa nouvelle auberge montée il y a un an. Cette année déjà le remplissage était moindre que l'année précédente : la concurrence est plus forte, et il est encore question de La crise, sans vraiment que l'on sache si c'est toujours la même. Le jeune couple a ainsi décidé de transformer le rez-de-chaussée en bar-karaoké, histoire de dynamiser un peu les soirées molles. Pari réussi. Dans la cour qui sert de parking, on y danse le soir autour d'un grand feu. Dans la salle on y chante fort. Les locaux sont les bienvenus, tant qu'ils consomment. Pour ce faire, de jeunes tibétaines sont là, pour les pousser à boire. Elles boivent aussi, bien entendu, pour donner cette impression de grande fête. Elles ont vingt ans, et vivent dans une pièce qu'on leur met à disposition derrière le bar. Ce n'est pas un bar où les clients espèrent quelque chose à la fin, qu'on se le dise. Elles les font juste boire. Mais quand même en buvant contre rémunération. Homosexuelle, Alama est peut-être davantage acceptée dans ce monde de la nuit. A priori, elle n'aurait pas grand chose d'autre à faire dans le village. Ou alors elle fuit ? Ici, elle se perd tous les soirs dans des rêves de trouver enfin l'amour, la femme de sa vie dont elle pourra s'occuper, dans de courts moments à elle, entre deux bières prises avec des habitués un peu rustres, et pour lesquels elle ne peut avoir d'attirance. Ses lendemains matins sont brumeux et difficiles. Drôle de métier quand même. Mais peut-être que si le tourisme revient, il n'y aura plus besoin de filles pour faire boire dans ces karaokés où à la fin il n'est même plus question de honte, mais juste de pouvoir encore lire les paroles.

MPI_Article Sud Gansu_Image 25_Langmusi Nightlife 1

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MPI_Article Sud Gansu_Image 27_Langmusi Nightlife 3

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Commentaires
G
Cela a le même gout que le genièvre de ch'nord?<br /> <br /> Bon voyage à vous deux, Gérald C.
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