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21 juillet 2018

A Kyrgyz honeymoon (par la rive sur du lac Issyk-Koul) – Part 1 : east-side

Le chemin aller vers l’est du pays avait emprunté la route de la rive nord du lac Issyk-Koul. Nous avions longé le lac à une vitesse faramineuse, pendant à peine plus de deux heures. Il est donc tout naturel que nous ayons choisi pour regagner Bichkek par la route de la rive sud, et de prendre un peu plus de temps.

MPI_Article Rive Sud IK_Image 1_La carte

Nous quittons les faubourgs de Karakol à pied, sacs sur le dos, en début de matinée. Dans son prolongement, Toktogula, l’artère principale que nous avons tant arpentée pendant notre relatif court séjour, devient la grande route de la rive sud. Comme c’est en auto stop que nous allons progresser le long du lac, nous avançons jusqu’à trouver ce qui serait la bretelle de l’autoroute. Ici, dans le sud du Kirghizistan, ce n’est pas très visualisable, pas aussi construit et clair. Si nous nous étions fixés l’objectif de nous arrêter au niveau du panneau sur lequel Karakol serait barré d’un trait rouge oblique, nous aurions pu continuer encore longtemps.

La route est de celles dont de part et d’autre, les à-côtés sont aussi larges que le bitume, mais en terre. La terre mange le bitume, les flaques inondent la terre, les échoppes jettent dans les flaques. Ce n’est pas très net, et ce n’est pas fait pour l’être. C’est le genre de route que l’on voit dans tous les pays où le coût de la vie est moins cher que chez nous. Il y a une vie de bord de route, car c’est là que tout se passe. C’est fonctionnel. Il y a là tous les services relatifs à la maintenance des véhicules et au réapprovisionnement des conducteurs et passagers. Ce sont sur ces longs faubourgs qu’il est donné l’ultime chance de partir dans de bonnes conditions. Des gamins proposent de gonfler les pneus, un flexible sortant de la porte de leur maison où doit être caché un compresseur. Des femmes dans la force de l’âge s’activent à cuisiner dehors, dans de grands woks, leurs mères les réapprovisionnant par la fenêtre de la cuisine. Tous les ouvrants sont ouverts, et il y a une extrême confusion des genres entre la maison et le lieu de travail.

Des chiens errent pour voir si tout va bien. Des vieux et des jeunes attendent sur des bancs ou des chaises en plastique. Ils regardent les chiens, mais surtout, les voitures passer. C’est un peu comme lorsqu’on allait regarder les avions décoller à Orly le dimanche. Sauf qu’ici, ce n’est pas tous les jours dimanche. C’est tout l’inverse. Les voitures ne s’arrêteront pas de circuler, alors il n’y a pas de quoi s’arrêter d’en profiter. Et puis il y a ceux qui attendent pour repartir. Ils ont leurs voitures qui attendent, leurs coffres déjà bien remplis, mais il est inimaginable de penser repartir sans que la banquette arrière ne soit elle aussi totalement occupée. Le stop au Kirghizistan, ce n’est pas qu’attendre lorsqu’on est piéton. C’est surtout attendre lorsqu’on est voiture. C’est ainsi qu’un groupe de vieux nous invite à nous diriger vers eux, car il doit être inscrit en cyrillique sur nos fronts que nous allons vers l’ouest. Nous partons rapidement, en tout cas sans avoir eu le temps de poser nos sacs et de tendre nos pouces à l’approche de bolides.  

Le premier conducteur nous amène jusqu’à Kyzyl-Suu, à peine 35 kilomètres plus loin. Kyzyl-Suu n’est pas sur le lac. Jusqu’à présent la route ne le longe pas la rive. Il faut attendre encore 20 kilomètres pour enfin l’apercevoir. À Kyzyl-Suu, nous sommes déposés au niveau d’un petit marché, le long de l’artère principale. Nous n’attendons pas plus de deux minutes pour trouver un vieux, caricature du vieux kirghize, avec son chapeau en feutre blanc orné d’une sobre broderie noire, qui nous dit bonjour comme s’il nous attendait. Ce monsieur va jusqu’à Barskoon, mais avec quelques soms supplémentaires, il accepte d’aller jusqu’à Tamga, qui elle est sur le lac, quelques kilomètres plus loin. La négociation est rapide. Je monte à l’avant avec les petits sacs, Juliette à l’arrière, avec les gros. Le confort reste à Kyzyl-Suu. Mais on y trouve notre compte.

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Le monsieur est charmant, et comme son âge le suggérait, aucune sonorité anglophone n’est capable de sortir de sa bouche. Il ne conduit pas vite car sa caisse ne le peut pas, encore moins surchargés comme nous le sommes. Le trajet est agréable, le lac et les montagnes rivalisant d’atouts, si bien éclairés. Nous discutons de choses simples et au fil des kilomètres la concentration devient moindre. Dans un virage ouvert, sans doute un peu distrait par mon russe, notre chauffeur vise un peu large. Nous sommes allés dans les cailloux, nous avons entendu un bruit sourd, nous avons ressenti une forte embardée, nous avons traversé la route, nous avons retrouvé les cailloux de l’autre côté de la route. Le chauffeur a donné un grand coup de volant sur la droite. Nous sommes revenus sur le bitume. Nous avons entendu un bruit métallique couplé à un bruit de pneu qui soupirait fort. Puis nous sommes allés retrouver les cailloux du côté droit pour nous immobiliser. L’aller retour de part et d’autre de la route a duré quatre secondes tout au plus, mais des secondes qui marquent. Des camions, il y en a beaucoup sur la route, mais heureusement pas à ce moment-là en sens inverse, au moment où le contrôle a été perdu.

Nous avons donc une pause forcée. Il faut changer la roue. La roue de secours est bien entendu au fond du coffre, mais le vieux a visiblement beaucoup de pratique. La pause n’est pas désagréable pour autant. Cela fait du bien aux jambes, au cœur qui doit redescendre, et aux yeux. Car le papy n’a pas choisi un lieu dégueulasse pour faire sa petite embardée. S’il y avait eu un camion, la fin aurait été dure mais le cadre beau. J’ai même un instant pensé à ma pierre tombale : Belfort, 1986 – Lac Issyk-Koul, Kirghizistan, 2016. Les gens n’auraient sans doute pas visualisé le lieu du drame, sans doute pas imaginé que mourir sur la route ici est quand même mieux que sur le tronçon nord-est de l’A86.

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Nous sommes déposés à Tamga dans une atmosphère qui a changé du tout au tout. Le vieux qui a pété sa roue veut nous gratter des soms en plus. On a un peu envie de lui dire, c’est ton affaire, et imagine qu’on y soit restés. On reste polis, mais inflexibles. Un prix forfaitaire est un prix, quelques soient les aléas : c’est bien eux qui nous l’ont souvent fait comprendre.

Tamga ne nous est pas apparue au premier coup d’œil comme ce que nous recherchions. Très honnêtement, nous ne lui avons pas beaucoup donné sa chance. Le village est à gauche de la route, soit au sud, alors que nous envisagions plutôt de nous poser à sa droite, entre la route et la rive. Et puis il y a eu ce mec qui est passé à vitesse réduite, voyant que nous ne rentrions pas à pleine dent dans le village, et qui nous a fait l’article de Tosor, « à seulement quelques kilomètres plus loin ». Sa cousine devait tenir une auberge sans que l’on comprenne vraiment où, et lui devait sans doute finir là-bas.  Alors pourquoi pas après tout. Il faut se laisser guider par ses impressions. Faire confiance, surtout quand il n’y a pas d’enjeu, et aller jusqu’au coup de cœur. Cela était le but. Pas tellement de ne pas avancer pour ne pas avancer, et pas tellement d’avancer pour avancer. Nous avançons.

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Le village de Tosor est ce genre de village où il y a tellement de place qu’il s’est étendu parce qu’il n’y avait aucune raison de faire autrement. La route est distante d’environ un kilomètre et demi de la rive, et il y a plusieurs artères perpendiculaires et sableuses pour vous y emmener. Il n’y a aucune indication de rien. Juste des maisons et des jardins, pas forcément énormes, mais qui ont pris leur aise. Dans le village, on doit parler de ceux qui habitent vers la route et de ceux qui habitent vers la rive. Et puis bien sûr de ceux qui habitent de l’autre côté de la route.

Il fait un cagnard de ouf quand nous commençons à avancer vers le lac. Il est un peu après midi. On le voit au loin, et il est difficile de savoir à quelle distance il est. Il ressemble à la mer à s’y méprendre. À bien regarder, tout le monde est mort dans le village. Et si on écoute, il n’y a que le bruit de portails qui grincent au gré du vent. La désolation a trouvé son écrin. Il y a quelques chiens derrière les canisses qui délimitent les parcelles. Ils sont cuits, le museau enfuit dans la terre. Ils donnent l’impression d’être morts ou de vouloir l’être. On voit des ombres derrière les rideaux. Eux aussi ils sont peut-être morts, en fait. La place devant l’école est une jachère d’or, où je peux me cacher tranquille (rappelez-vous que j’étais malade la veille). On trouve deux pierres pour se poser et réfléchir. On ne comprend pas tout de suite pourquoi Tosor est mieux que Tamga, ni en quoi la rive sud du lac Issyk-Koul est mieux que la nord. Mais on comprend rapidement que Tosor est un bon endroit pour se laisser aller, dans des conditions intéressantes. On sent que la rive sud est comme une traversée de ruines, de villages quittés précipitamment. Il y a presque le sentiment d’un désert avec ses villages fantômes résistant au sable. Si on donnait dans la caricature, la rive nord ce serait la côté d’Azur, alors que la rive sud le paradis en perdition, ou tout simplement perdu.

Alors que nous avancions le long de cette longue et large rue déserte, passant de maison en maison comme pour scruter d’éventuels survivants après une nuée ardente, avançant à tâtons et presque sans espoir, un signe, presque une providence. Une petite boutique. Fermée, certes, mais avec à l’intérieur quelques fruits et légumes : il y a ou il y a récemment eu de la vie dans un rayon d’un kilomètre. Comme un zombie dans les jeux vidéo débarque au premier niveau pour annoncer la couleur, un vieux sortant de nulle part s’approche en levant le doigt, et vient claquer une petite sonnette située au-dessus de la porte. Il rigole fort alors que nous ne disons rien. Et il reclaque la sonnette. Ding Dong. Ding Dong. C’est hilarant, a priori. Sans réponse, il nous entraîne par le bras dans une déambulation dans le village et de longues discussions sans queue ni tête. Il crie comme pour alerter la vie qui resterait, nous indique avec son bras (qu’il a tendance à beaucoup lever) des points d’attention, comme on montre à l’autre des gargouilles sur une cathédrale que l’autre ne voit jamais. Il tape sur les clôtures en bois, les volets, arrache des fruits aux arbres des jardins, rote, raconte des tas de choses (peut-être qu’il va nous aider, peut-être pas mais qu’on tombe bien), et maintient un rythme de mec qui pète la forme, si bien que Juliette doit un peu courir derrière pour le suivre. Fait hallucinant, il arrive à dégoter les deux mecs du village qui bougent encore des bras et des jambes. Ce n’est pas pour autant qu’ils disent bonjour avec le sourire, mais le vieux arrive à les faire monter dans un arbre pour nous arracher quelques abricots. Disons qu’il ne leur a pas tellement laissé le choix. Il devait sans doute y avoir une affaire de dette là-dessous. Sitôt cueillis, nous devons repartir sous ses ordres, gênés par rapport aux cueilleurs qui semblaient malgré tout soulagés. Lui dévore ses abricots et jette les noyaux au petit bonheur la chance, tantôt dans les jardins, tantôt sur les toits, tantôt dans les volets, sans que cela ne fasse bouger âme qui vive.

Son itinéraire nous fait repasser par la boutique où, comme sous l’impulsion d’un guide à la fin d’une visite, nous nous sentons obligés d’aller. Ding Dong. Ding Dong. Un cri surgit de l’arrière boutique, autrement dit une pièce à vivre d’une maison, et une jeune fille d’à peine douze ans vient en trainant des pieds pour déverrouiller la porte. Le vieux entre comme au premier jour des soldes et commence à abreuver de diatribes la vendeuse en herbe. Nous auscultons les maigres stocks. Il y a des pâtes en vrac, des tomates, des concombres, des oignons, du thon, du chocolat. Et sans même avoir de garantie sur la suite nous achetons car nous avons envie de cuisiner nous même, et qui sait, pour une famille qui nous accueillerait. La vie insoupçonnée que nous sommes heureux de constater depuis quelques minutes nous redonne espoir. Nous trouverons une cuisine pour le soir. On remarque que dans notre dos le mec s’arrose avec une petite dose de vodka que la jeune fille lui a servie dans un gobelet en plastique qui semble fondre sous l’effet du liquide. Il tente visiblement de négocier la suivante sans attendre, mais la voix d’une femme qui doit être affalée devant une série à la con dont le bruit émane depuis l’arrière boutique (sans doute la mère de la vendeuse), envoie un gros Niet, da svidania qui fait chanceler l’homme. De ce que l’on comprend, les derniers soms ont été vidés dans la première vodka. Oui mais voilà, la première vodka ne suffit pas. Quelques murmures la main sur le cœur plus tard, l’homme se reprend un Niet, da svidania on ne peut plus explicite. Il lui faut agir vite. La femme pourrait rappliquer vite, avec un balai, une faucille ou une kalachnikov. C’est alors que tout se combine bien dans sa tête et fait demander à la jeune fille de nous demander de payer la suivante. La jeune fille est désolée en même temps qu’elle ne cracherait pas sur notre petit billet. On a envie de lui demander si le diédouchka ne va pas mourir de notre faute avec un godet de plus, mais elle semble dire qu’économiquement ce serait le mieux qu’il puisse leur arriver, mais que malheureusement plus il boit mieux il se porte*. Il y avait aussi, sans doute une histoire de dettes là-dessous, et en plus elle a joué le côté médical. On paye, sans vraiment savoir si nous faisons bien. Mais qui n’a jamais payé un coup à un mec bourré dans un bar ? Par sympathie, pour qu’il vous lâche ou pour qu’il tombe.

*Traduction non certifiée, mais les gestes ne trompent pas.

Le diédouchka ne nous lâchera pas ni ne tombera. Enfin pas tout de suite. Sans doute parce qu’on a payé la rasade un peu plus cher qu’il ne la paye (ou pas) d’habitude, il arrache une demi-portion supplémentaire. Requinqué, ni une ni deux, il faut prendre la poudre d’escampette. On a à peine le temps de lancer deux billets à la jeune fille et de ramasser nos emplettes, c’est pour elle la monnaie, que nous voici de nouveau sur le chemin de la mer, avec le diédouchka de l’enfer, plus motivé que jamais. On a beau dire, mais c’est quand même lui qui nous a amené, après une grosse heure d’errements, jusqu’au portillon de ce qui sera notre demeure du soir. Les au-revoir ne sont pas aussi déchirants qu’il est déchiré. Mais il y a de la reconnaissance.

Deux longères d’un seul niveau délimitent une cour, bien aidées par une clôture défoncée et un bloc sanitaire de camping à l’abandon, respectivement côté rue et côté plage. La cour est un ensemble de dalles béton hétérogènes, dont les compositions de graviers et de sables ont changé suivant le diédouchka bourré qui était venu réparer un carré pour se payer une dose. Il y a un semblant de potager, totalement jauni le long de la clôture. On ne sait pas qui de la clôture ou du potager masque la misère de l’autre. Mais les tuteurs des deux font l’apologie de l’agonie. On ne sait pas bien si cela est une auberge d’aujourd’hui ou un camp de vacances oublié, dont le gardien était autrefois le diédouchka de l’enfer, et qu’il a voulu, nostalgie cotonneuse de la vodka faisant effet, nous montrer là où il travaillait autrefois.

Une table de pique-nique, tapie dans l’ombre d’un des deux bâtiments, est le seul mobilier qui occupe la cour. Il y a des jeunes gens autour ! Oui, point d’exclamation ! Et encore un ! Oui, il y a de la vie nom de dieu. Et de la vodka !!! Il est sans doute pas plus tard que 14 heures. Mais ils se sont donnés le mot ? Un très jeune se lève et se dirige vers nous prestement. On aurait dit que sur son court chemin il cherchait un caillou comme pour faire fuir un chien ayant vu des poules depuis la porte d’une ferme. Effet moins cotonneux de la vodka sur les plus jeunes. Le caillou aurait été lancé sur le diédouchka, si le diédouchka ne nous avait pas présenté dans la seconde comme deux touristes occidentaux souhaitant découvrir la région et passer du bon temps au bord du lac. Pour une fois qu’il ne venait pas juste taper sur le portillon pour taper dans la vodka.

Le jeune homme, sur un ton sec promettant le chaos, éconduit le diédouchka. Il nous amena, d’après son attitude, en lieu sûr. Sans tarder il nous présenta une chambre avec trois lits de brocante, termites inclus, une fenêtre qui donnait directement sur la table, une porte qui ne se fermait qu’avec beaucoup d’envie plutôt qu’une clé. Les sanitaires sont de l’autre côté de la cour. Une cuisine de restauration collective est à notre disposition, à l’angle que forment les deux bâtiments.

Il faut bien comprendre que cet endroit n’est pas un hôtel que l’on réserve sur internet, mais un portillon à pousser. Des bâtiments sont là, avec une configuration donnée, qui tend plutôt vers le fait de pouvoir faire passer une nuit. Il n’y a aucune logique de rentabilité économique dans le fonctionnement du lieu. Il y a le jeune qui passe ses journées là ou des parties de journées, et puis s’il est là et que quelqu’un passe, il peut proposer quelque chose, mais sinon, les murs ne vont pas s’effondrer, il ne va pas falloir vendre et il y aura toujours trois voisins qui viendront cuisiner là. Il n’y a vraiment aucun souci à passer la journée sans que personne ne vienne. Le lendemain, on demandera sans doute un peu plus à celui qui passe, c’est que le jeune a des frais. Je vois la chose comme cela : même un camping français à l’ancienne, sans bungalows, connaît une logique de rentabilité plus forte.

Autour de la table à laquelle nous sommes conviés, surtout car il n’y a pas d’autres chaises pour se poser cinq minutes et que dans la piaule nous ne serions pas restés deux de plus, il y a des gens vraiment divers. On dirait un peu la bande à Vernon Subutex. On ne sait pas ce qu’ils font ensemble, mais il y a de la magie, des ondes. Il y a un russe plus blond que blond qui fait le tour des anciens territoires en vélo de course. Il essaye de réparer sa roue qu’il a forcément pétée vu l’état de la route qui l’a mené ici. Il est habillé en cycliste comme s’il était prêt à repartir sur une classique. Des kirghizes de fin fond de province, sans âge mais sans chapeau, plutôt habillé comme sur la côte ouest (oui, de Californie). Le jeune qui nous a accueillis, jeune contraint de bosser pour la famille tout un été. Un couple de kazakhs avec enfant qui forme une paire comme seule la bande à Vernon peut les accepter. Une vieille qui parle toute seule. Quand nous avions vu ce tableau en passant le portillon, nous avions autant eu l’impression d’entrer au sein d’une famille qui cultivait les différences, que d’être attendu pour le compléter. C’était bien une auberge, faite de tout et de rien, mais surtout, comme souvent, de gens. Un semblant de petite convergence, mais avec de l’alcool quand même, kanieshna !, ça reste une belle bande de l’URSS.

La table ressemble à celle d’une fin de soirée d’étudiants fauchés. Que de la bière pisseuse, un cendrier qui déborde et des paquets de chips vides. Pas de champagne, de cigares ni de zakouski, et quand bien même personne ne parle une langue que nous connaissons, il y a une différence de fraicheur entre nous. Nous préférons aller voir la plage, certains que nous les retrouverons au même endroit un peu plus tard.

Quel bonheur de se retrouver enfin seuls sur une plage ! Ce n’est peut-être pas la plus belle – nous sommes au Kirghizistan –, mais elle a son charme. C’est clairement une plage d’été qu’on peut vendre en photo pour un magazine. Je mets deux billets sur le fait que bien achalandé, un article de Géo vous y fait partir sur-le-champ. Avec le talent qu’ils ont pour rendre tout plus beau que le dernier article. Car s’il n’y a pas de palmiers qui marquent la séparation entre un sable chaud et une forêt primaire qui grimpe sur une colline, si on prend une vue générale, tournée vers le lointain, comme si on voulait photographier l’océan, on voit, submerger par-delà des nuages vaporeux, des pics enneigés, comme établis sur un continent inconnu dont on ne voit pourtant pas la rive. Irréalisme de l’œuvre de la nature. Ecrin parfait de l’amour.

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A SUIVRE...

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