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Moscou - Pékin - Istanbul : 8 pays, 25.000 km à travers l'Asie
23 juillet 2016

Sur les routes de Mongolie - Partie 2 : Aux portes du désert que nous imaginons

Quand nous aurons retrouvé You Tube, dans quelques semaines, nous vous proposerons quelques liens musicaux comme accompagnement pour la (re)lecture de cet article.

 

Mercredi 29/06/16 - Jour 3 : Ulaan Suvraga - Dalanzadgad - Yolyn Am "Ice" Canyon

Nul besoin de réveil en ce troisième jour. La pluie a frappé de ses grosses gouttes la toile de la tente depuis le petit matin. Nous levons le camp un peu à l'arrache, un petit déjeuner recroquevillé dans le camion. Les toiles de tentes seront humides quand nous les déplierons à nouveau le soir. Mais le vent du plateau d'au-dessus du Yolyn Am Canyon, les séchera rapidement. Avant cela, nous avons une fois encore engloutis les kilomètres, de longues heures passées à se demander combien d'heures il faudrait encore pour en finir avec ce plat sans rien qui dépasse, qui a créé un territoire comme ça et pourquoi, et, malgré sa beauté pour des gens comme nous, qui en veut.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 1_Sur les routes de Mongolie

Pour tracer la route, pour avaler les kilomètres, il faut un complice, une machine de guerre. Quelque chose d'efficace. Le van l'est, mais n'est pas ce qu'il y a de plus confortable. Les sièges nous ont fait mal au dos depuis les premières heures après Oulan-Bator, et il n'y a pas de position, où que l'on soit dans ce van, qui puisse être recommandée par le corps médical. Pour avoir une scoliose en moins d'une semaine, faire des tours de steppe dedans est probablement la solution la plus facile. Nous passons nos journées à rechercher comment déplier nos jambes, positionner notre dos, et pire encore, comment s'accrocher pour se maintenir dans les dévers perpétuels de la piste ou pour amortir les chocs dans les ornières. Le van est un modèle russe des années soixante-dix. Il semblerait vu son usage dans le pays, et même plus au nord, notamment dans la région du Lac Baïkal, qu'il soit robuste. Tous les matins pourtant notre chauffeur étend son tapis sous le moteur pour renforcer, le plus souvent avec une corde, une chose ou l'autre. Sur la route, la vitesse du van est celle d'un cycliste du Pro Tour. Ce qui est déroutant, c'est que sur la piste, il accélère comme s'il avait un mode Turbo de jeu vidéo qui s'activait automatiquement au contact de la terre et du caillou. 

L'intérieur du van est une composition unique d'objets que l'on trouverait dans une brocante, avec des systèmes mécaniques ou électriques faits maison. Le tout est agrémenté d'un joyeux bordel et en ce troisième jour, pluie oblige, de terre qui deviendra poussière. C'est que les étendues que nous traversons depuis trois jours et qui paraissent toujours vertes au loin, le vert d'un billard éclairé, ne sont en fait que sable caillouteux, où sont disséminées à intervalle réguliers des touffes de quelques brins d'herbe, ou d'herbe à chameaux comme on entend lorsque on regarde le Dakar. De fait, ces étendues, déjà comprises dans le désert de Gobi, constituent la steppe désertique, seulement peuplée de quelques hommes, mais de beaucoup de bêtes. Entre les touffes, sauf sur la photo qui l'évite par un cadrage subtil, des merdes de chameaux, de chèvres, de vaches et de chevaux.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 1 bis_Sur les routes de Mongolie

Nous arrivons pour l'heure de midi dans la ville de Dalanzadgad, capitale de l'aïmag d'Ömnogov, frontalier avec la Chine. Nous déjeunons dans une yourte d'un quartier de yourte devant probablement abriter plus de 70% de la population de la ville (estimation au nez levé). Les capitales d'aïmag, villes de provinces de second plan à l'échelle du pays, comptent d'après les dires de notre guide, entre 20 000 et 60 000 habitants. Derrière la grande Oulan-Bator, le fossé est diabolique. Elles sont généralement constituées de rue délimitées par des palissades, vraisemblablement pour éviter l'intrusion des bêtes, derrière lesquelles sont installées des yourtes qui sont séparées entre elles par d'autres palissades, vraisemblablement pour délimiter une propriété. Le nomadisme devient sédentaire, avec la même maison, que l'on peut il est vrai déménager plus facilement. Hormis dans sa capitale, la Mongolie ne semble pas pouvoir être touchée par la crise du logement.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 2_Dalanzadgad

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 3_Quartier de yourte

Inutile de préciser que ces quartiers portent en eux une certaine désolation. Les poteaux électriques peuvent être situés en plein milieu d'une parcelle, trois mètres seulement devant la porte de la yourte, et les chiottes, trou béant caché par quatre tôles de l'autre côté du pylône. La vie semble être faite ici à Dalanzadgad, d'attente pour les très jeunes mères, et de travail au loin pour les maris, dans des mines à une centaine de kilomètres, plusieurs heures de route, dont les fruits précieux sont expédiés en Chine. Nous finissons par manger notre pitance en même temps que le petit dernier, dans les bras de son adolescente de mère installée sur le lit, ne chie une pate jaune claire sur la toile cirée de la yourte, sans que celle-ci ne bouge.  

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 4_Yourte sédentaire

Vint ensuite l'heure de notre première douche depuis notre départ d'Oulan-Bator, dans les bains publics de la ville, véritable institution en Mongolie, situés dans le quartier. Dans ces villes de yourtes ou de constructions sommaires, l'eau courante n'est pas... monnaie courante. Les bains publics ne sont donc pas des hammams turcs, des bains thermaux hongrois ou autres endroits de rencontre en serviette ou en maillot, mais des douches de vestiaire de sport, accessibles aux non licenciés, où l'on vient se garer devant, pif paf pouf on est propre, et on retourne dans sa voiture, la poussière et le chaud. Un moment qui nous fera du bien, nous terreux depuis la veille au soir, avec un peu d'eau chaude en filet et les poils du précédent incrusté sur notre savon. À l'extérieur, beaux comme des sous neufs, le soleil sur notre peau nous fait ressentir frais, citadins comme les autres, dignes et prêts à repartir pour un tour de piste.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 5_Après la douche

Nous poursuivons ensuite notre route vers le site de Yolyn Am Canyon, appelé également pour les touristes Ice Canyon. Dans un décors de moyenne montagne, avec des petits oiseaux qui chantent, un canyon étroit renferme de la glace fine sur laquelle nous glissons, manquant de nous péter la gueule à tout moment dans un ruisseau d'eau froide.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 6_Pas loin des pyrénées

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 7_Singing birds

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 8_Thin ice canyon

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 9_Ice canyon

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 10_Ice canyon large

Le clou du jour restera finalement l'arrivée sur le plateau où nous passerons la nuit, juste au sortir du canyon. Un nuit fraîche. Dans un décor somptueux et avec une lumière parfaite.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 11_Camp 3

Jeudi 30/06/16 - Jour 4 : Hauteur du Ice Canyon - Flamming Cliffs (Bayanzag)

Quelques artistes de la troupe avaient voulu se lever pour voir le soleil en faire de même. À 5h10 ce matin, la pluie frappe encore la tente qui amplifie chaque goutte. La mascarade n'aura pas lieu. Le soleil fit son apparition rapidement néanmoins, comme pour les narguer. Après la levée du camp, nous profitons de l'absence de vent pour faire un petit échauffement musculaire grâce à une partie de frisbee-steppe. Le frisbee, ce sont nos deux américains qui l'ont ramené. Ils ne peuvent s'en séparer, et il s'agit avant tout pour eux d'un sport, et non d'un accessoire de plage. Le frisbee sera pendant tout notre tour, jusqu'au moment où nous nous séparerons des américains, un bon moyen d'avoir une petite activité d'attente, et de partager un moment avec les jeunes et moins jeunes que nous rencontrerons.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 12_Levée de camp 3

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 13_Frisbee-steppe

À quelques centaines de mètres de notre camp, quelques yourtes sont installées près d'un puits dont nous profiterons pour refaire nos réserves. Tout à côté, la famille sépare les jeunes chèvres de celles qui les ont générées avec une facilité déconcertante, en prenant en compte que la chèvre est particulièrement têtue et peut même être bête. Pour la tâche du matin, c'est fait.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 14_Puisage

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 15_Répartition

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 16_Une séparation

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 17_1er groupe

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 18_Portrait

Nous descendons le plateau, jusqu'à une plaine où nous filons tout droit. Nous demandons au chauffeur le droit de diffuser notre propre musique. Cela fait trois jours que nous entendons les vingt mêmes chansons mongoles en boucle et les images vidéos qui vont avec, diffusées sur le téléphone maintenu en position écran au milieu du tableau de bord. Le chauffeur les chante avec emphase et grands mouvements ce qui l'a déconcentré quelques fois, heureusement sans gravité. Si nous avons apprécié dans les deux premiers jours ces chansons aux clips systématiquement basés sur la steppe, les chevaux, la yourte, le thé au lait et autres rituels bien trop locaux, le phénomène de répétition n'était plus tenable après deux nuits en tente sur le sol dur, caillouteux et touffu du désert, et après avoir enfin vu pour de vrai la steppe, les chevaux, la yourte, et bu le thé au lait. Le bol était plein, et il commençait à déborder.

La journée sera courte. À l'heure de midi nous arrivons en bordure d'un plateau, aux Flamming Cliffs. Au coucher du soleil, elles prennent une couleur rouge-orange. Il est midi. Les couleurs nous satisfont malgré tout. Depuis le haut des falaises la vue est profonde et ouverte sur tout notre champ de vision. Nous devons rejoindre de là, notre camp, un amas de yourtes à l'horizon, vers le nord. Notre guide nous indique qu'il est à quatre kilomètres. A vue d'œil, impossible à confirmer ou infirmer. Le désert, la steppe ou la steppe désertique, ont ce qu'il faut pour faire perdre les notions de distance et d'orientation pour ceux qui n'y sont pas habitués. Ces quatre kilomètres auraient pu en être deux ou dix, et à chaque fois que nous nous prêtions dans notre équipe à un jeu d'estimation, les avis divergeaient fortement. Après être descendus des falaises par un goulot escarpé, nous avons donc marché tout droit, en gardant en ligne de mire notre camp, jusqu'à ce qu'un infime mouvement de terrain le fasse disparaître et nous induise à dévier légèrement. Au final, combien de kilomètres ? Sans doute pas dix. Mais nous n'avons pas regardé l'heure pour le confirmer. Les portables sont bien éteints au fond du sac, et nous ne portons pas de montre. Nous vivons au rythme du soleil, de notre ventre, de notre van et de nos pieds.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 19_Flamming Cliffs 1

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 20_Flaming Cliff 2

Au cours de cette marche, nous apercevons nos premiers arbres depuis Oulan-Bator. Un amoncellement de petits arbustes secs formant ce que l'on appelle entre nous la forêt, disposés sur de la dune autour d'une mare d'eau pluviale ocre. Des images africaines avec des yourtes au fond. Nous aurions bien vu surgir de quelque part un rhinocéros, un buffle, ou une girafe. Nous ne verrons que des chèvres.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 21_Terre d'afrique

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 22_Crâne

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 23_Terre d'afrique 2

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 24_Terre d'afrique 3

L'après midi sera réservée au repos. Le soleil  frappe fort. Nous garderons le frais dans notre yourte. Les seuls mouvements seront effectués à des fins logistiques. Nous laverons quelques vêtements à la bassine. Ils sécheront en moins d'une heure, disposés sur le feutre de la yourte. Le reste du camp est désert. Il n'y a pas grand chose à faire que de marcher dans la steppe, à l'assaut d'une butte. Heureusement, un petit musée sur les dinosaures permet si l'on est consciencieux de passer cinq minutes à faire autre chose. La région est en effet réputée mondialement pour les trésors paléontologiques sortis tout droit du Crétacé qu'elle recèle. Nombre d'œufs fossilisés ou de squelettes y ont été découverts, souvent pour la première fois, et sont venus enrichir les connaissances et les collections internationales ou constituer celle du tout nouveau musée d'Oulan-Bator. Ici finalement, dans notre petit musée de notre petit camp, nous n'apprendrons pas beaucoup plus que l'idée suivante : la Mongolie c'est LA terre des grandes découvertes sur les dinosaures. Et puis c'est tout. Et effectivement, quelques recherches plus tard, je peux confirmer que la Mongolie est une des grandes terres sacrées pour les chasseurs de dinosaures.

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 25_Musée du dinosaure

MPI_Article Tour Gobi Part 2_Image 26_Yourte dino

Quelques groupes de touristes viendront garnir quelques unes des yourtes du camp, montées sur des dalles de béton de leur taille, si bien qu'on en voit pas grand chose quand c'est bien fait. Nous avons pu mettre au jour ce stratagème, toutes les yourtes n'étant pas encore montées en cette fin juin. La vraie saison ne commencera que dans quelques jours. Oui, la yourte devient un vrai business en Mongolie.

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